L'après Bataclan

Bordel dans ma tête

Période particulière. J’ai besoin que ça bouge mais tout en étant à mon rythme. Je suis épuisée. Epuisée par l’angoisse de ne pas être comprise par l’administration française. Epuisée par les démarches à effectuer pour mon dossier (c’est normal après tout, mais faire ces démarches me ramènent en arrière). Epuisée parce que je veux être à un stade de ma vie où je sois fière, et je sais que ça va pendre du temps. Epuisée parce que je veux que ça bouge! Point!

Malgré les angoisses, la lenteur de mon avancée dans la vie, je ne prends pas ça pour un échec. Je sais que certaines personnes lorsqu’elles sont face à une difficulté ou eu une mauvaise nouvelle ou qu’elle regrette leur passé en disant « si j’avais fait ça, j’en serai là aujourd’hui » elles le prennent pour un échec.

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Alice aux pays des merveilles

Pour ma part, ces échecs je les prends comme un tremplin. Je ne sais pas exactement d’où vient cet état d’esprit mais je suis tellement convaincue que ce n’est qu’un tremplin que les mauvaises nouvelles passent mieux. Si je les ai eu c’est que je n’étais pas prête à aller dans une certaine direction. J’ai tellement d’exemples… Après mon bac, je n’ai pas réussi à entrer en BTS en alternance. Sur le coup, je l’avais mauvaise mais avec le recul, si je n’avais pas vécu cet échec, je n’aurai jamais vécu une année d’expérience professionnelle dans différents domaines. Je n’aurai jamais eu des conseils de professionnels. Ca m’a permis d’avoir des contacts et d’avoir un plus value sur mon CV.

Aujourd’hui, oui j’aimerai être « normale ». Travailler, être dans mon domaine professionnelle et non un job alimentaire, avoir mon propre rythme etc. Mais je sais que je ne suis pas en capacité. Je suis fatiguée et je fatigue très facilement. Oui j’en ai honte. Même souvent. Je culpabilise tout le temps. Mais c’est un fait. Je suis fatiguée. Je peux travailler. Seulement je me fatigue à une vitesse folle. La raison? Je suis en hypervigilance en permanence. L’hypervigilance  est un état avancé de sensibilité qui peut être relié au symptôme de stress post-trauma. Cet état est accompagné de comportements exagérés dont le but est de détecter les menaces. L’hypervigilance est également accompagnée d’une augmentation de l’angoisse qui peut causer des épuisements. Les autres symptômes peuvent inclure : éveil, grande réactivité à des stimuli, ou analyse constante de l’environnement des menaces. (Merci Wiki pour la définition)

Du coup, je m’identifie de plus en plus à mon chat. Je m’explique. Un chat reste toujours sur le qui-vive. On l’effraie très facilement et on le surprend également. Je remarque qu’en fin de compte lorsqu’il s’effraie, je m’effraie également. Quand un bruit nous semble suspect, nous nous effrayons et nous avons un regard interrogateur en mode « C’est quoi ce bruit suspect? C’est normal? Je peux continuer à me lécher l’anus ou bien je dois fuir? »

Bref, cet état d’hypervigilance m’épuise énormément. Tout le temps. Même si je n’en voulais pas, c’est instinctif. C’est primitif. J’ai vécu quelque chose de traumatisant. J’ai vécu une scène de guerre. J’ai donc acquis ce super pouvoir par la même occasion. J’aimerai sincèrement ne pas être sur le qui-vive. Ca m’épuiserait moins.. Je le remarque que le suis quant au moindre bruit, je peux me réveiller pour analyser le bruit que je viens d’entendre et me rendormir. J’ai un sommeil très très léger.

Du coup, oui j’aimerai être une personne « normale », mais j’ai besoin de temps pour pouvoir accepter ce que je vis et comment vivre avec. Je sais que je dois m’écouter et les années qui passent ne sont pas une perte de temps ou un échec. Car ils me permettent de mieux me connaître, de connaitre mes envies, mes besoins et ce que je n’ai plus envie de supporter. D’être plus juste avec moi.

Après le plus dur est de faire comprendre aux administrations françaises que non, un événement comme celui-là ne s’oublie pas au bout de quelques mois. Même après plusieurs années… C’est quelque chose qui nous marque à vie. Ce sera invisible à l’oeil mais la cicatrice est présente et ça prend du temps à cicatricer. Et franchement, c’est rude. Se justifier auprès de l’administration française que je ne glande pas malgré les apparences… C’est ce qu’il y a de plus difficile.

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10 commentaires sur “Bordel dans ma tête

  1. Merci!!!
    Je suis tombée sur une citation de Mandela il y a 3 jours, ce dont j’avais exactement besoin :
    Je ne perds jamais : soit je gagne, soit j’apprends.

    Je sais que je suis sur ce chemin déjà, ça me fait du bien de trouver des petites phrases de ce genre, et ton article y fait écho 🙂

    Oui, trouver ton rythme et respecter ta fatigue, ne plus subir l’administration… devoir faire face à ces personnes pour que tu puisses avancer toi, en fait…

    C’est un chemin compliqué vraiment. Je pense fort à toi!!

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    1. Rougis

      C’est vraiment ma manière de pensée. Je ne perds pas à ce jeu. Toutes mésaventures m’apportent quelque chose. C’est pas toujours évident (je pense que je vis une des plus dures expériences de ma propre vie (enfin je me le souhaite!)) mais ce n’est pas grave parce que ça m’a permis de me centrer sur moi.

      J’ai aussi beaucoup beaucoup de travail à faire sur moi, sur le regard que j’ai sur les autres etc etc.

      Ne plus subir l’administration cela va être délicat.. Sauf si je me sens en capacité de travailler et direct en CDI pour ne plus être en contact de certaines structures ^_^. Concernant mon dossier des attentats, faut que je sois consolidée pour ne plus y penser :). C’est qu’à ce moment là que le dossier sera bouclé! J’ai tellement hâte!

      Merci Marie (pour tout. Je ne sais pas si j’arriverais à te répondre 😦 )

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  2. Oui, l’hypervigilance, je connais! Je me rends compte que cela fait 20 ans que je suis dans cet état… il y a eu des périodes plus difficiles que d’autres. Je te dirais qu’on s’habitue. On apprend à vivre avec ça. Le plus difficile, c’est l’incompréhension des autres. Mon conjoint ne comprend pas pourquoi je fais le saut à rien, pourquoi je m’accroche au siège lorsqu’une voiture se met devant nous. L’hypervigilance, c’est aussi la méfiance face aux gens… faire confiance ou pas? Tu dois certainement vivre ça aussi. J’imagine que dans ton cas, certains inconnus peuvent faire résonner en toi ta peur. Et c’est tout à fait normal. Est-ce que cela se calme avec le temps? J’espère.Ou peut-être qu’on vient qu’à s’y habituer. Je ne sais pas. Comme tu le dis si bien, on s’en passerait de ce super pouvoir! 😉
    Et je te comprends pour ce qui est des démarches administratives qui n’en finissent plus. Je suis dans la même situation. Trois fois que mon dossier change de mains. Pas encore approuvé par le comité médical. Je dois rappeler… laisser des messages. On me dit à chaque fois que je suis dans leurs priorités…pffff…. j’attends encore l’appel de mardi dernier.
    Tu sais quoi? Tu es une battante. Et tu as raison, il n’y a pas d’échec. Il n’y a que des coïncidences étranges qui viennent changer notre vie, et lorsqu’on est intelligente, on les utilise pour apprendre et devenir plus forte. C’est ce que tu fais. C’est ce que j’espère être capable de faire aussi. Tu es dans mon coeur xx

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    1. Tu ne te rends pas compte à quel point tu es belle (dans le sens que tu as une personnalité vraiment jolie et tu me touches beaucoup).

      L’hypervigilance est tellement anxiogène. Pour la voiture je comprends totalement. Je fais souvent de petites réflexions à mon homme quand il met trop de temps à dépasser une voiture ou qu’il ne met pas le clignotant. (Il ne se rend pas forcément compte que s’il ne met pas son clignotant, les autres conducteurs ne peuvent pas anticiper son action.. et ca peut être dangereux..)
      Petit à petit j’arrive à ne plus avoir peur quand une porte claque.. mais j’ai toujours des angoisses quand j’entends un bruit suspect.
      J’ai vu un concert dernièrement (magnifique soit dit en passant) où il y avait des petards sur scène. J’étais effrayée mais pour la première fois je n’ai pas mis plusieurs Minutes à m’en remettre. D’ailleurs l’homme m’a dit qu’il était agréablement surpris, parce qu’il pensait qu’il allait me sentir trembler comme une feuille comme à chaque fois que ça arrive. Je ne sais pas si c’est le temps qui fait son travail. Je ne sais pas.

      Je suis extrêmement méfiante envers les gens et j’ai tendance à suivre mon premier instinct quand je rencontre quelqu’un. Si je sens que ça pue, je vais être encore plus méfiante. (J’ai tendance à laisser des chances aux gens) Et j’ai rarement tort d’ailleurs..

      C’est tellement épuisant ces démarches… j’ai du rechercher des éléments qui date au moment des faits.. j’ai de la chance que j’avais gardé les documents demandés « au cas où » parce que sinon j’aurai eu des difficultés à les retrouver.. d’autant plus qu’après le drame je ne savais plus trop ce que je faisais. J’ai fonctionné en mode auto. Donc les documents, bien que je sois minutieuse et organisée, je ne savais plus forcément où je les avais mis… bref j’ai passé un week end entier à m’occuper de paperasses…

      À côté de ça, j’ai la sensation que mon assistante sociale minimise ma fatigue et mes démarches.. malgré les documents de psychiatre qui stipule mon asthénie chronique et que j’ai tendance à faire des « scenarii de fuite ou de survie »

      Comment fais tu pour travailler? C’est ce qui fait que j’ai honte de ma situation parce que je n’arrive pas à retravailler sur une longue durée..

      Je ne pense pas être une battante. Je suis juste une personne qui vit, survit.
      Sinon c’est ma manière de voir les choses depuis mon adolescence suite à un événement malheureux. J’ai appris de mes malheurs. Mais ça ne fait pas de moi quelqu’un d’intelligent.
      J’ai tellement de lacunes et tant de choses à apprendre…

      Des fois j’arrive à prendre du recul sur ma situation. Surtout celle de 2015. La période où s’est produit l’attentat était une période de total changement dans ma vie. J’étais dans une région que je connaissais peu, avec peu de contacts, apres une rupture amoureuse, + une recherche de logement etc. Et pourtant j’ai réussi à suivre et à finir la formation de reconversion dans laquelle j’étais au moment des faits. J’ai réussi à continuer et à avancer. J’ai continué à prendre les transports en commun dans Paris alors que d’autres se chiaient totalement dessus et osaient me dire « moi j’ai trop peur que l’on me tue » parce que moi je n’avais pas peur ? J’étais totalement terrorisée… bref.
      Beaucoup de blabla !

      Prends soin de toi Nat! Je te souhaite beaucoup de courage! Et ne baisse pas les bras.
      Tu es incroyablement belle 🙂

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      1. Sais-tu à quel point tu me fais du bien? Tu es tellement gentille avec moi. Tu n’as pas idée de la douceur de tes mots pour mon cerveau 🙂
        Pour répondre à ta question, je ne travaille pas. Je suis en arrêt depuis novembre dernier. J’ai vu mon médecin dernièrement, et je ne commencerai pas l’année scolaire en septembre. J’étais persuadée qu’elle me dirait « Bon, ça suffit, passe à autre chose et va travailler. » C’est fou les scénarios qu’on se fait lorsqu’on est à son plus bas. Évidemment, ce n’est pas ce qu’elle m’a dit! Je n’ai pas eu à dire quoi que ce soit, elle m’a dit « Tu ne peux pas retourner. Sinon, tu vas retomber. » Mes enfants sont en vacances et je trouve cela épuisant d’avoir deux cocos à mes côtés. Alors, je n’imagine pas 36 adolescents devant moi… Mais j’ai hâte de retrouver ma force, ma passion, ma confiance, parce que je les aime ces ados, j’adore enseigner, ça m’a tellement sauvé. Je vais y retourner, c’est certain! Mais j’accepte cet arrêt maintenant. Je comprends qu’il est nécessaire. Et lorsque je vais retourner dans ma classe, je ne serai plus la même. Je serai plus souriante que jamais!
        En passant, tu es belle toi aussi! Ta lumière brille de l’auter côté de l’océan 🙂

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        1. rougis. Merci à toi Nat

          Je suis contente que tu prennes soin de toi.
          J’avoue que j’ai encore beaucoup de mal à accepter que je ne puisse pas travailler. parce que pour ma part, je n’ai pas de statut « en maladie », mais j’ai le statut « demandeur d’emploi » donc bien plus négatif aux yeux du monde. Si je ne travaille pas, c’est que je suis qu’une fainéante.. C’est dur de contrer ce genre d’idées. Parce qu’à force, je me demande si je suis ce qu’ils disent.
          Je suis heureuse que tu sois tombée sur une personne compétente et qui comprend que tu as besoin de temps pour te reconstruire ! C’est tellement important.

          Je te fais d’énooooormes bisous. Pis merci beaucoup pour tes mots:$ ! Ils me touchent!

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  3. « Je peux continuer à me lécher l’anus ou bien je dois fuir? »
    rassure-moi : c’est que le chat qui pense ça ? Sinon ça veut dire que t’es hyper souple ! ^^

    Tu m’étonnes que tu dois être fatiguée, à être H24 sur le qui-vive ! J’espère que petit à petit, tu arriveras à redevenir plus sereine…

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    1. Hahah J’essaye de raconter une petite merde dans chaque article. Mais des fois les gens captent pas. Bon là c’était plutôt flagrant.
      Non, je ne suis pas aussi souple que ça XD

      Je l’espère aussi. Autre exemple, ce matin je me suis réveillée à cause d’un bruit. Il semblerait qu’il y avait des travaux dans mon quartier et des gars jetaient de la tôle par-terre. Ca fait un bruit… Mon cerveau s’est réveillé en sursaut en se disant « BOMBE ».
      Dans mon quartier, il y a aussi un parc. Et des fois tu entends des gens crier (bref ils s’amusent). Mais dans ma tête c’est « Ils se font trucider ou tout va bien? Je dois m’inquiéter? »

      Je te raconte pas dans quel état j’étais le jour où un pneu de voiture a explosé en face de chez moi à cause d’un incendie ^_^. Bref, c’est ma vie du moment.

      Et beaucoup de gens ne se rendent pas compte l’énergie que cela me prend pour rassurer mes pensées.

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      1. La comparaison avec un chat est tellement juste (et s’applique d’ailleurs à tous les animaux : l’oiseau qui s’envole au moindre bruit, le lézard qui part se planquer entre 2 pierres dès qu’on s’approche…) ; en fait, ton instinct de survie a tellement pris le dessus qu’il te fait réagir comme un animal se sentant menacé…

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        1. Oui c’est vrai, tu as raison, C’est n’importe quel animal en fin de compte. Mais vu que j’ai un Chat à proximité, je le vois plus facilement..

          On réagit vraiment de la même manière.. c’est troublant. Du coup, quand j’aplatis une bouteille en plastique, j’ai tendance à le lui montrer et à lui dire ce que je vais faire pour qu’il s’effraie moins. C’est peut être con, mais ça fonctionne.
          Il sursaute moins si je lui explique et montre, que si je lui fais dans son dos 🙂

          C’est quand même perturbant de se retrouver en même position que son animal

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