L'après Bataclan

Se justifier

Toujours. C’est incessant. Il faut toujours se justifier d’être comme on est, ou de ne pas être dans les normes de la société (ou aux yeux des gens).

Adolescente, je me justifiais de mon style vestimentaire ou musical. Non mais en réalité, c’est tellement agréable un baggy et des baskets, qu’un slim taille-moule et des talons. Et puis le rock/métal.. « Pourquoi tu écoutes cette musique de barbare? » Peut-être parce que je vais au delà des préjugés. Ce que j’entends c’est un rythme qui berce, une douleur vécue qui ressort par un riff ou par un solo de batterie? Que le « hurlement » que tu penses entendre, pour moi c’est la puissance d’un moment magique, qui est en symbiose avec la musique? Que sans cela, la musique n’aurait pas la même saveur ni la même intensité? Parce que c’est dans ma nature d’essayer d’aller au-delà de la façade d’une personne, d’une musique? Pour ceux qui se posent la question, je peux apprécier le rap également. Un bon texte qui percute est toujours appréciable. Mais il me manque toujours cette batterie bien grasse et ces riffs de guitare..

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Maintenant, je dois me justifier que je ne suis pas en capacité de travailler auprès de la « famille » ou d’inconnus. Alors j’explique, je prends le temps de faire comprendre les choses. Pour que cela les percute, je leur dis qu’à mon dernier poste, j’ai fait une crise au plein milieu du bureau car plusieurs gendarmes armés sont entrés. Seules deux personnes étaient au courant de ma situation dans ce bureau. Et je n’avais aucune envie de justifier mon état au reste de la troupe. Voila pourquoi je ne suis pas encore totalement en état de bosser. Je fais des crises et je m’épuise très facilement. Je suis en état d’alerte constant. Donc, je dois travailler « normalement » en étant sur le qui-vive permanent, ce qui m’épuise littéralement. Je ne suis pas en capacité psychologique de faire face à cela.

Auprès de la justice française, je dois justifier que j’étais au Bataclan. Que cela m’a impacté psychologiquement. Vous ne croyez pas que j’ai envie de faire autre chose que de devoir justifier ce statut? Surtout que le but est d’être sûr que j’y étais et d’essayer de minimiser ma situation.

Puis se justifier d’être fatiguée alors que oui je ne travaille pas. Mais les insomnies sont de retour et ça me casse. Même si je gère mieux qu’il y a deux ans. Oui ce n’est pas parce que j’ai un sourire de façade, que je suis heureuse. Oui ça me gave de me justifier pour tout et n’importe quoi. Me justifier d’être en colère, d’être fatiguée, de ne pas vouloir sourire, de ne pas vouloir faire comme les autres. D’être moi en somme dans toute sa globalité.

Non, sérieusement ça me gave. Il serait peut-être temps que j’arrête de me justifier. Car la plupart des individus ne sont de toute façon pas en capacité d’entendre ce que j’ai à leur dire.

20 commentaires sur “Se justifier

  1. Auprès des institutions, on ne peut rien faire. Il faut se justifier sans cesse, les dossiers sont long et lourds à avancer. C’est triste surtout dans un cas comme ça où les personnes (je crois que tu n’aime pas le terme de victime, alors qu’il est juste de l’utiliser ici, ont déjà beaucoup à gérer.
    Par contre, auprès des gens, tu n’as pas à te justifier. Expliquer, oui pourquoi pas, si tu as envie d’expliquer ce que tu as vécu et que ça a donc encore des impacts sur ton moral, ta santé, ta vie, oui. Mais te justifier au grand jamais. Tu n’as pas à justifier de ressentir ce que tu ressens, ceux qui ont besoin que tu te justifies n’ont qu’à se faire cuire un oeuf.

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    1. Je sais que tu as raison. Mais des fois tu sens que si tu te justifies pas, les blabla vont continuer. Peut-être même qu’ils continueront après ma discussion.
      Je ne sais pas encore comment gérer cette situation. Mais en réalité, j’ai souvent envie de ne pas m’expliquer. De juste dire « non je travaille pas ». « Belle observation, je ne souris pas » ..

      Je crois que je me questionne beaucoup trop :/

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      1. Quelque soit la situation, que l’on se justifie ou pas, je crois que les bla bla ne cessent pas. Les gens ne retiennent que ce qu’ils veulent. Et si ce qu’ils veulent retenir c’est « elle bosse pas » ben ils n’iront pas au delà. Enfin je le vois comme ça.

        Ce n’est pas forcément mauvais de se questionner. Là, c’est plus le regard des autres qui te pèse. Enfin je le perçois comme ça. Et les autres, on s’en fout en fait 😉

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          1. Ca se comprend. Mais je pense qu’il a une vision assez claire de ta situation aussi, de tes ressentis. C’est un point important. Donc certes rembarrer ses proches n’est peut être pas la bonne approche mais tu n’as pas à te laisser bouffer non plus par leurs regards sur ta situation.

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                  1. Je pense qu’il y a une petite nuance. Même si elle peut être minime. Tu expliques en indiquant les faits. Les gens en font ce qu’ils veulent. Tu tombes dans la justification si tu développes trop (et encore, ça va dépendre des personnes, certaines vont vouloir en savoir plus par intérêt réel de ton ressenti, de ton vécu).
                    Quand tu arriveras à t’en foutre de leurs avis, tu feras mieux la distinction je crois. Tout ne vient pas en un claquement de doigt, tu avances à ton rythme. Il suffit de comprendre que c’est le rythme parfait.

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                    1. Oui je sais que c’est un travail sur moi même. Et qu’il y a bien une nuance, que je n’arrive pas à voir pour le moment. Peut-être parce que je suis encore trop écorchée à vif? Je ne sais pas.
                      Tu as peut-être raison, j’arriverai à voir la nuance quand je m’en foutrai!

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  2. Je te comprends tellement… Mais tellement…
    Se justifier, c’est retomber dans le traumatisme.
    Rien de pire que de percevoir une once de doute chez l’autre. Non, on ne dramatise pas. Non, on n’exagère pas.
    Ce que tu ressens est vrai. Peu importe ce que les gens pensent. Peu importe les doutes, les questions, les regards sceptiques et les soupirs de découragement. Toi, c’est tout ce qui importe.
    Je te comprends tellement. On subi et ensuite, on doit justifier. C’est ça aussi, l’injustice.

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    1. Oui.. totalement.
      Se justifier, c’est minimiser ce que j’ai vécu.
      Se justifier, c’est me dire que je devrais aller mieux. D’ailleurs c’est ce que l’on m’a dit deux semaines après les attentats, et c’est ce que m’a dit une psychiatre un mois après les événements. Alors je le devrais non? Non..
      Se justifier, c’est se culpabiliser d’être encore dans un état que tu aurais voulu différent..

      J’en peux réellement plus de l’injustice..
      Je te fais un câlin Nat!
      Merci ❤

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  3. Se justifier c’est épuisant. C’est devoir se raconter sans cesse, sans pour autant avoir la certitude d’être compris.
    C’est pourquoi il faut arriver à fixer ses limites, à ne plus s’attacher au regard et qu’en dira-t-on des autres – je te l’accorde c’est beaucoup plus facile à dire qu’à faire.
    Ta souffrance est légitime. Ce que tu fais ou ne fais pas te regarde car toi seule sait où tu en es.
    Pour ce qui est de se justifier auprès des institutions, je crois que c’est pire parce que tu n’as pas toujours vraiment le choix. Sans compter le manque d’humanité qui rend parfois la tâche encore plus coriace.
    Affectueuses pensées pour toi.

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    1. Oui les institutions sont parfois pires parce que l’on s’attend à du professionnalisme qui n’existe pas toujours..

      J’ai conscience de ce que tu me dis mais je n’arrive aps à faire face. (J’ai conscience de beaucoup de choses mais je n’arrive pas à débloquer les situations pour autant..)
      Je n’arrive pas à me fixer des limites. Comme je disais à angie, des que je m’explique j’ai l’impression de me justifier. Donc je me sens mal.. parce que je ne veux pas me justifier.. et parfois je n’ai juste aucune envie de m’expliquer..

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  4. Courage ❤️.
    T’as pas à te justifier auprès des gens, laissent les dire ce qu’ils veulent, abusent un peu. Le jour où ils comprendront d’eux même ils se sentiront idiots, c’est tout. Ton droit à l’intimité est supérieur à leur droit de connaître ta vie privée. Même en famille, il y a un respect minimal et le droit de ne pas souhaiter plus en parler, plus se dévoiler quand on va mal.
    (Et sans le connaître je peux m’avancer sans trop de crainte sur le fait que tu ne lui fais pas honte 😉 ).
    Plus léger, le baggy est plus confortable que le slim mais rend moins grâce à la silhouette. Étant passé de l’un à l’autre, je préfère le semi-slim maintenant, c’est confortable et joli. La diversité ne fait pas de mal quoiqu’il en soit

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    1. Tu sais ce n’est pas si simple. Quand ceux de sa famille osent dire en plein repas familial  » de toute façon, ceux qui ne travaillent c’est qu’ils ne veulent pas. Rien qu’à voir les offres sur le site pôle emploi ». Je suis tellement fatiguée que je n’ai même pas envie de me battre. De toute façon ils ne comprendraient rien. Mais moi ça me blesse. Parce que j’ai ce discours depuis la sortie du lycée. Et pourtant j’en ai fait des candidatures. Le parcours que j’ai actuellement je l’ai que grâce à moi. Je n’ai eu aucun piston. Jamais.
      Sur Paris à la fin j’avais plus de contacts que d’autres dans ma formation. Simplement que je me donne à fond. Mais ça ne fonctionne pas forcément.

      En gros ce que je veux dire c’est que meme si je les laisse dire Ca va me rendre folle au bout d’un moment…

      (Aucune idée sur la honte que je lui inflige)

      Haha pour le baggy des fois ca me manque. Parce que c’est quand même pratique à enlever et à mettre XD. Mais c’est sur que ça met pas du tout en valeur !

      Et tu as totalement raison pour ta dernière phrase!

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  5. Tu te justifierais presque 😉

    Souvent on se justifie parce qu’on se sent en faute et que l’on ne veut pas subir de judgement négatif.

    Tu es au dessus de cela, je pense que la plupart ne sont pas en capacité de comprendre le traumatisme que tu as vécue.

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